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Saint Louis et la victoire sur les chiens de l'enfer

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0000000000000000000000000 (2).jpgDans le dernier épisode de cette geste intense, nous avons laissé notre récit alors qu'Imbert de Beaujeu venait de se jeter sur un chien infernal tout prêt à déchirer de ses dents et griffes le jeune corps de son cousin Alphonse de Poitiers, frère du Roi.

Il roula sur lui-même et, tout armé qu'il était, il se remit debout et se tint prêt à affronter les deux chiens à la fois, protégé sous son écu à l'aigle impérial. Car il était le neveu de l'empereur Henri de Hainaut, et portait ses armes, que lui avait léguées sa mère. 

Curieusement l'un des chiens vit l'aigle et s'arrêta, comme si un souvenir frappant était revenu en lui, quelque bataille contre un être à face d'aigle lui ayant laissé de cruelles blessures. 

Un jour peut-être ce récit sera fait; en attendant, profitant de cette hésitation, Imbert fit une feinte de corps, évita le chien qui s'était jeté sur lui trompé par cette feinte, et enfonça la pointe de son épée dans l'œil droit du chien encore fasciné par la vision de son aigle, peint glorieusement sur l'écu doré d'Imbert.

La tête du chien fit un saut en arrière, et l'épée fut dégagée; mais Imbert coupa sa tête, et le corps erra en s'agitant, sans direction claire, tandis que la tête mordait l'air à grands coups de dents.

Cependant l'autre chien avait saisi le mollet d'Imbert protégé par du cuir et une jambière, et commença à serrer, et du sang aussitôt jaillit Imbert poussa un cri, et Alphonse accourut – et se rattrapa dans sa faiblesse en assénant un coup d'épée sur l'échine du chien. Celui-ci en fut affaissé par le milieu – mais, curieusement, non battu, non vaincu, et, en se traînant un peu, il continua de tenir entre ses dents le mollet et la jambe d'Imbert. 

Ostön à son tour bondit, pendant que Solcum s'occupait du chien qui attaquait Louis, et auquel toutefois celui-ci vaillamment résistait. Ostön enfonça son couteau long dans le ventre du chien par le flanc, et celui-ci ouvrit la bouche, et la jambe d'Imbert fut dégagée. Ostön répéta plusieurs fois son geste, tranchant et mettant en pièces le corps enragé du chien, qui continuait à 00000000000000000.jpgs'agiter malgré tous ces coups meurtriers. Tout autour de lui son sang noir se répandait, et il allait toutefois s'affaiblissant.

De son côté Solcum donna un coup au chien qui tenait dans ses dents l'écu aux fleurs de lys du roi de France, le tranchant en deux par la taille. Mais la gueule accrochée aux pattes avant et aux omoplates resta fixée sur le bouclier, qu'elle dévorait comme s'il eût été en pain. Les pattes avant, aux griffes acérées, déchiraient frénétiquement la cotte de maille du roi. Des plaies apparurent, teintant de rouge l'argent et l'or de son haubert, et aussi les pierres précieuses qui le décoraient. Le roi saint Louis n'en enfonça pas moins son poing armé dans la figure du monstre, tâchant de lui faire lâcher prise. Lâchant même son épée et saisissant d'un geste vif sa dague, il l'enfonça dans la joue du chien, qui finit par s'immobiliser, sans toutefois lâcher prise. D'un coup sec Solcum saisit sa tête et tira, mais un morceau du bouclier se cassa, restant entre ses dents.

Les six chiens étaient vaincus, mais les trois mortels étaient blessés, et même Ostön avait reçu une blessure au bras. Les cinq hommes se regardèrent en soufflant, et Don Soculm Malodorn scruta les plaies de saint Louis, puis celles de ses deux compagnons, puis celles d'Ostön; et regardant celui-ci dans les yeux il lui parla de ses yeux mêmes, sans ouvrir la bouche: car il 0000000000000000000.jpgavait ce pouvoir. Et Ostön bien sûr le comprit, il lui rendit des paroles, et saint Louis pouvait les voir sortir des yeux comme des lumières clignotantes, chargées de couleurs et de formes rapides, qui s'évanouissaient dans l'air avant qu'il n'eût pu les reconnaître: un mortel ordinaire n'y eût rien vu d'autre qu'une extraordinaire vivacité de regard, mais saint Louis savait que c'était là un moyen privilégié de communication, entre les génies – au sein de la race des elfes –, et que par leurs yeux ils s'échangeaient directement leurs pensées, sans passer par les mots, laissés au chant seul.

Louis ne put donc comprendre tout ce qu'ils se dirent, mais il avait commencé à pouvoir déchiffrer ces signes envoyés par des yeux diffusant leurs propres rayons – et luisant dans la nuit à la façon de lanternes, voire d'étoiles. Et il devina à l'air inquiet d'Ostön, et même de Solcum – lui d'ordinaire si impassible – que les plaies infligées par ces chiens étaient probablement envenimées, et qu'il fallait rentrer au plus vite au château d'Ëtön pour soigner les blessés et les arracher aux funestes effets des plaies. Comme il regardait fixement les deux immortels qui échangeaient de cette façon leurs songes, soudain don Soculm, laissant là sa conversation avec son cousin, se tourna vers lui et lui expliqua, en deux mots, qu'effectivement ces blessures étaient extrêmement dangereuses, et que celui qui en était atteint et laissait la salive de ces monstres se mêler à son sang courait grand risque non seulement de s'affaiblir jusqu'à la mort, mais de devenir un fantôme asservi à Ornicalc, errant dans les ténèbres et contraint de faire tout ce qu'il lui ordonnerait, et de boire le sang d'êtres vivants pour pouvoir rester intact, ferme et substantiel, et ne pas se dissoudre dans le néant total. En bref, cette salive venimeuse pouvait transformer en vampire, et en vampire marqué par la nature du loup – et apparaissant fréquemment comme tel aux simples mortels, sur la Terre périssable. Saint Louis songea à toutes les histoires d'horribles loups-garous suceurs de sang qu'il avait entendu raconter, et se demanda si cette diablerie avait un rapport avec ce dont lui parlait Solcum.

Mais il est temps, chers, divins lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à la suite de cette étrange histoire.


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