Dans le dernier épisode de cette série étrange, nous avons laissé le roi saint Louis, neuvième du nom, seigneur en France, alors que le futur génie de Paris Solcum venait de prendre sous ses yeux une teinte rouge vif.
Or plusieurs larmes luisantes jaillirent des yeux furieux de Solcum, traçant sur sa joue des ruisseaux dorés; et sur sa face rouge vif elles ruisselaient curieusement plus vite qu'à l'ordinaire, comme si ce teint précipitait leur chute, accélérait leur fuite!
Ostön à son tour s'approcha, et posa sa main sur son bras; et Solcum tourna la tête vers lui – quoiqu'en la gardant penchée, car Ostön était petit et Solcum très grand: de fait il atteignait presque deux mètres selon les mesures humaines, s'il est censé d'en donner aucune à un génie. Sa poitrine se souleva, et il laissa échapper un long soupir. Leurs fronts se rapprochèrent, et ils se regardèrent de près. Et ils semblaient se comprendre, et Louis eut une étrange expérience: entre leurs yeux rapprochés il vit s'agiter de fins fils de lumière s'enroulant les uns dans les autres, et voici! crut y distinguer des formes, comme si leurs pensées étaient transmises directement d'un cerveau à l'autre - sous forme d'images, de symboles, de hiéroglyphes vivants et animés que leurs yeux projetaient.
Cela effraya fort Louis, qui découvrit que les êtres enchantés du pays des génies pouvaient se comprendre à distance, sans que leur bouche ne fît aucun son; ils pouvaient se communiquer leurs pensées directement, sans passer par la parole – ni par les signes que peuvent créer les mains, chez les muets ou quelques initiés. Et il sut que le secret des génies n'était pas dans un désir de demeurer secrets, mais simplement dans une capacité spontanée qui leur permettait d'échanger leurs pensées sans passer par les sens, par la seule force de leur volonté, imprimée à leurs yeux depuis leur cœur et projetant des images vivantes devant eux à la façon de lanternes enchantées, dons des fées aux anciens hommes.
Or, lorsque, quasiment front à front, Solcum et Ostön eurent suffisamment soupiré et exprimé leur tristesse, ils se séparèrent et, quoiqu'il eût la bouche crispée et que son teint fût demeuré rouge vif – à la façon en vérité d'un coquelicot –, Solcum laissa errer ses yeux autour de lui, s'arrêtant même brièvement sur Louis et ses compagnons, de telle sorte que Louis crut qu'il allait lui parler, lui expliquer ce qui s'était réellement passé. Et le roi de France était prêt à tout entendre, et se préparait à recevoir des informations particulièrement douloureuses.
Solcum le sentit – et peut-être lisait-il dans sa pensée, peut-être que les yeux de Louis projetaient aussi ses idées, sans qu'il le voulût, ni le sût aucunement, et que Solcum avait le pouvoir de les voir. Et il ouvrait déjà la bouche, s'apprêtant effectivement à fournir ces explications, lorsque, soudain, on entendit d'horribles aboiements.
Âprement ils retentirent au sein du vallon gazonné, y créant la surprise: un tel calme y résidait, un tel éclat y rayonnait, que jamais on n'eût cru possible aucun son de violence. On ne s'attendait qu'à de doux rires, à d'agréables conversations, à de légers chants! Mais des chiens volumineux aboyaient – et grognaient, aussi. Et cela se rapprochait, et Louis sut qu'il faudrait bientôt combattre des fauves puissants, sauvages, brutaux. Et Solcum s'exclama: Ce sont les chiens de la sorcière, maudite soit-elle!
Louis sentit un frémissement lui parcourir tout le corps. Un effarement se peignit sur le visage d'Ostön, et Alphonse et Imbert partagèrent l'effroi de leurs guides, mais tirèrent leurs épées. Et Louis fit de même, et dans la main de Solcum sa propre épée s'alluma, lançant des éclairs. On eût dit qu'elle s'était changée en sabre de lumière: tel était l'effet de la proximité du mal, sur elle; sa vie s'allumait, et elle devenait une pure flamme ordonnée, cristallisée, solidifiée – toute semblable, par sa dureté, à l'épée mortelle la plus solide qui fût, mais respirant une bien plus grande puissance. Non même dans le métal d'une pierre tombée du ciel avait-elle été forgée, mais dans le feu de sa queue, si vous pouvez le croire. Et voici, sa couleur était principalement rouge, et un souffle bruissait, autour d'elle.
Pour autant, malgré cette flamme qu'il tenait en sa main, puissamment brillante, Solcum gardait les sourcils froncés, et ne semblait nullement certain de se sortir de ce mauvais pas sans encombres; assurément, il craignait la vigueur abominable de ces chiens de terreur. Et il dit: Ce sont des chiens de l'abîme, libérés de l'enfer par Silasán, et crains-les, car leur puissance est énorme, et nombreux sont leurs pouvoirs, et bien difficiles à tuer sont-ils. Soigneusement renseigne tes hommes sur ce qui les attend, car ils pourraient être surpris; il ne s'agit point là de chiens ordinaires.
Alors surgissant d'une colline à l'ouest six monstres épouvantables firent résonner leurs aboiements de plus belle, et se montrèrent – immenses, avec des yeux de braise, et de la fumée dans leur bouche. Noirs comme le charbon étaient leurs corps, et, là où ils posaient un pied, l'herbe séchait, et là où leur haleine se déroulait, une odeur affreuse montait, et les fleurs fanaient, les âmes faibles s'évanouissaient, voire tombaient malades. Vois, murmura Solcum, vois la source des pestes, dans ton saint royaume de France! Et de sa main libre il montrait leur gueule, dont s'échappait une fumée âcre.
Mais il est temps, lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à la suite de cette triste histoire.