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Saint Louis par-delà la Tapisserie

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0000000000 (2).jpgDans le dernier épisode de cette série sacrée, nous avons laissé le roi saint Louis alors qu'il s'approchait, avec ses compagnons, d'un arbre divin qui se dressait sur une colline sainte.

Louis en admira les feuilles fines, leur trouvant un air métallique, mais s'apercevant, en approchant, qu'elles avaient une transparence inattendue, comme si elles fussent faites de fine émeraude. Et il les toucha en ayant peur de se couper, mais elles étaient légères et molles, et dès qu'il les effleura elles se retirèrent en frémissant, comme si, douées de sensibilité, elles eussent eu une répugnance à se laisser toucher par sa main. Solcum sourit, et son œil lança un éclair. Louis curieux tourna vers lui un œil interrogateur, mais Solcum continua à marcher sans y faire attention, tournant autour de cet arbre comme s'il cherchait un endroit précis. Ostön le suivait de près, il se hissa même rapidement à sa hauteur, partageant ses connaissances, son assurance, et semblant savoir ce que faisait Solcum, où il se dirigeait et dans quel but. 

Louis les suivit, de nouveau méfiant. Il précédait le fidèle Alphonse de Poitiers, qui, lui, se fiait à l'homme dont il suivait les pas, ne doutant point du Roi, auquel il était voué complètement. Imbert de Beaujeu, restant en arrière et n'avançant qu'à pas lourds, avait toujours l'impression qu'un mauvais sort s'était irrémédiablement emparé de son âme, et que son corps était dirigé de l'extérieur par une force inconnue.

Solcum parvint jusqu'à un endroit où les branches faisaient comme une arche, avant toutefois d'être encombrées d'autres branches très feuillues, entre lesquelles luisaient des fleurs, tandis que des fruits brillaient à une hauteur plus grande, plus proche de la cime – et saint Louis se dit que sans doute l'arbre fleurissait et fructifiait par paliers, et non d'une façon 000000000.jpgdésordonnée et erratique, comme de loin il lui avait semblé. Et Solcum leva la main, et d'autres branches s'écartèrent, comme si, son commandement, elles le laissaient passer. Et Louis s'attendait à voir, derrière, le tronc de l'arbre, mais il n'en fut rien.

Car soudain Solcum fit un geste étrange, dessinant dans l'air comme un cercle barré d'un éclair, et entre les branches comme un voile se tendit, montrant, comme brodé, un paysage inconnu, aussi étrange que singulier. Le feuillage enroulé sur lui-même traçait de nouveau une arche, au-dessus de ce voile, qui était aussi comme un rideau, une toile peinte. Mais une curieuse qualité était en lui. Il miroitait, et la clarté qui était sur lui se mouvait, comme s'il était vivant. Il avait quelque chose de vaguement ondoyant, comme si en réalité il s'était agi d'une nappe d'eau, reflétant un paysage qui n'existait pas, que Louis ne pouvait pas voir derrière lui. Du reste, elle ne renvoyait aucunement son image, ni celle de ses compagnons, comme on peut s'en douter.

Soudain Solcum jeta en arrière, vers Louis et ses deux compagnons, un regard rapide, puis regarda Ostön dans les yeux, et sans mot dire s'enfonça dans cette image, où il disparut.

Louis poussa un cri, et Ostön se tourna vers lui, et lui montra Solcum qui, en haut d'une colline lointaine, dans l'image, se tenait debout, face à eux. Louis sursauta, en voyant ajouté cet élément dans la tapisserie. Même s'il s'était agi d'une réalité, et que l'image ne fût qu'une vitre, il ne comprenait absolument pas comment Solcum avait pu se déplacer aussi vite, était allé, en un instant, aussi loin. Car la colline que montrait Ostön était à plus d'une portée d'arc. 

Mais Ostön, sans rien dire, invita d'un geste Louis à la suivre, et celui-ci s'approcha, partagé entre la crainte et l'envie. Il désirait essayer ce tour, mais avait peur qu'il ne le damnât, et ne l'emmenât dans un monde d'illusion et de tromperie. Toutefois, comprenant que pour revoir et retrouver Robert d'Artois, il lui fallait aller dans ce monde, il se signa, plaça son âme sous la protection de Jésus-Christ, confiant que même parmi les songes mensongers sa lumière saurait le guder, et s'avança, et plongea les mains, le visage et le corps dans l'image, qui l'aspira aussitôt. Un souffle le prit, s'empara de lui, et il se sentit comme tiré vers un étrange tourbillon. Il tourna en volant, et l'instant d'après il était aux côtés de Solcum, debout aussi, comme s'il n'avait point bougé; et le protecteur secret de Paris lui sourit, posant même sa main sur son épaule, tâchant de le rassurer. 

Alphonse n'attendit pas qu'Ostön lui fît signe, mais s'élança vers l'image et, la traversant, se retrouva aux côtés de son roi, joyeux. Imbert resta immobile, mais Ostön leva la main, et Imbert sentit ses pieds le tirer vers l'image, dans laquelle il disparut à son tour, avant de se retrouver auprès des trois autres. Enfin Ostön les suivit, sans hésiter.

Louis, regardant autour de lui, demanda à Solcum comment ils feraient pour retourner dans leur pays d'origine, puisqu'il ne voyait ni l'arbre sacré, ni aucune porte par laquelle ils eussent pu passer. Autour de lui en effet n'était qu'un enchaînement verdoyant de collines à l'herbe tendre et rase, sans arbres, mais traversées de bandes de couleurs qui étaient des fleurs, et en même temps semblaient s'élever du sol comme une brume. Dans le ciel le soleil brillait comme une grosse boule d'or, tout proche de la terre, mais, contrairement à ce qu'il en avait été avant de franchir le seuil de la tapisserie vivante, on ne voyait pas les étoiles ni la lune ensemble. Le ciel était curieusement plus doré que bleu, comme rempli de la lumière du soleil, qui pourtant 0000000000.jpgn'éblouissait pas.

Solcum, en souriant, lui dit, rassurant, de ne pas s'inquiéter, et que lui, Solcum, lui montrerait bien assez tôt le chemin du retour, dès que cela s'avérerait nécessaire. Qu'au reste il était temps, pour lui, de se préoccuper de tout autre chose! Et ce disant, il lui prit le bras, et doucement l'invita à regarder au bas de la colline sur laquelle ils se tenaient, tous les cinq. Il lui montra alors du doigt le fond du val fleuri qui sous eux étendait le serpent argenté d'une rivière riante. Et, là, saint Louis, baissant les yeux, et rendait aigu son regard, vit un homme nu qui poursuivait en riant une jeune fille aux voiles mauves et transparents, et nue sous eux aussi, ainsi qu'il n'était point difficile de s'en apercevoir. Il reconnut, immédiatement, son frère Robert et la belle nymphe Silasán, correspondant en tous points à ce qu'on lui en avait dit. Et ils avaient l'air joyeux, et saint Louis se réjouit, car ils semblaient heureux, et il n'y avait, apparemment, nulle crainte à avoir pour la vie de Robert d'Artois.

Mais il est temps, chers lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à la suite de cette singulière histoire.


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