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Saint Louis près du saint arbre elfique

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0000000.jpgDans le dernier épisode de cette inquiétante série, dignes lecteurs, nous avons laissé saint Louis et ses compagnons alors qu'ils gravissaient une pente fleurie dans un jardin enchanté et qu'Imbert de Beaujeu sentait sur lui peser un sortilège qui l'empêchait d'avancer.

Pourtant le roi saint sentait, au contraire, toujours plus de feu dans ses jambes et ses pieds – et sa vision s'éclairait, il distinguait chaque détail. Et en scrutant les beaux arbres qui s'élevaient au faîte de la colline, il en remarqua en particulier un, somptueux et grandiose, aux larges branches, aux fleurs étincelantes, aux fruits lumineux. Car il en fut surpris, mais cet arbre d'un genre unique portait en même temps des fleurs et des fruits!

Il s'enquit de ce mystère auprès de Solcum, après l'avoir montré du doigt à Alphonse de Poitiers et lui avoir signifié ce qui l'avait étonné. Alphonse poussa un cri d'admiration, partageant complètement les sentiments du Roi, quoique n'ayant ni son cœur pur, ni son regard aigu.

Il n'avait point non plus sa flamme – mais il faisait ce qu'il pouvait, puisant dans ses propres forces l'énergie de le suivre, voire de rester à sa hauteur, ainsi que de regarder ce qu'il lui montrait, et comprendre les choses qu'il lui disait. 

Car il voyait bien que, plus que jamais, Louis était habité par une force supérieure – qu'il en rayonnait, en flamboyait, qu'un dieu s'était uni à lui en secret, à coup sûr. Et pourtant il ne se servait certainement pas de lui comme d'un simple véhicule – le chassant de son propre corps, comme le font les démons. Non: il s'unissait à lui en le laissant l'accueillir librement et en n'obscurcissant point sa pensée propre, mais au contraire en l'illuminant, en la renforçant – demeurant discret et au service des hommes, comme seuls le font les anges de Jésus-Christ!

Ou Jésus-Christ lui-même, depuis le Ciel? 

Alphonse comprenait que c'était là vaine pensée, car même s'il ne s'agissait que d'un ange, il avait pris le visage de Jésus-Christ, et même s'il s'agissait de Jésus-Christ, il s'était émané lui-même, envoyant à Louis une simple image, qu'animait un esprit qui lui 00000000000000.jpgétait subordonné et fidèle – donc un ange –, tandis que lui restait au plus haut des cieux – aux confins de l'espace, dans les lointains de l'univers, que les ailes de l'amour cosmique entourent et font voler.

Alphonse en effet était si émerveillé qu'il concevait soudain de grandes et belles choses, qu'il se sentait inspiré et disert – devenu un grand orateur mystique –, comme si lui aussi était, tout de même, habité par un pur esprit. Mais, il le sentait, il n'était pas, cet esprit, à la mesure de celui qui logeait dans l'âme de son maître Louis, devenu sous ses yeux tel qu'un géant – tel qu'un de ces héros anciens dits fils des dieux par les poètes aux mille fables plaisantes. 

Louis était devenu le fils d'un dieu – mais longtemps après sa naissance, dès que l'état de sa sagesse le lui avait permis. Rétroactivement, comme on dit, un dieu l'avait engendré – après avoir remonté le temps, dès que le front de Louis se fût pour cela suffisamment illuminé. 

Mais ce mystère dépassait l'entendement d'Alphonse, qui ne formula clairement en ce sens aucune pensée; il se contenta de sentir la chose, et de constater, de ses yeux, les flammes qui sans le brûler ceignaient les pas de Louis le long du sentier gravissant la colline sainte.

Car elle en était une! Et Solcum répondit à la question de Louis par ces mots mystérieux: Roi, dit-il, tu es ici sous le charme de la Lune. Tiens-toi bien, et écoute! Ce jardin date de l'époque où la Lune et la Terre n'étaient point séparées, mais ne faisaient qu'une. 0000000000000.jpgOr à cette époque les mois n'existaient point, la Lune jamais ne s'était encore levée. Contenue dans la Terre elle faisait mûrir les arbres, et les faisait aussi fleurir par simple alternance de quatorze jours – ce qui les amenait à se côtoyer, à être ensemble sur les branches. Tu en as là un exemple, car un cercle a ici été tracé, un charme jeté, qui conserve l'ancien état de la Terre – et c'est pourquoi en ce lieu les hommes sont immortels, et les arbres étoilés. Ne vois-tu pas, au-dessus de ta tête, la Lune, le Soleil et les étoiles ensemble, dans un même ciel? Réfléchis, et tu en sauras le sens.

Mais saint Louis eut beau réfléchir, aucune idée sensée ne lui vint à l'esprit. Le rapport entre le dernier fait évoqué par Solcum et ce qu'il avait dit juste avant ne lui apparaissait pas du tout.

Toutefois, il se dit qu'il n'avait point encore assez songé à la chose – ou plutôt, qu'il lui faudrait, ce soir même, juste avant de se coucher, prier Jésus-Christ, ou bien sa Mère sainte, qu'il ou elle voulût bien, pendant son sommeil, l'éclairer, et qu'il s'éveillât, le lendemain matin, avec la vérité en tête. Oui, il le ferait, il y penserait.

Mais pour l'heure, que pouvait-il faire d'autre sinon ne pas persister dans un échange que visiblement son guide, le protecteur secret de Paris, ne souhaitait point poursuivre – sans doute parce qu'il n'était pas en mesure de dire les mots qu'eût pu saisir son interlocuteur, dans son faible esprit de simple mortel? Il se tut, donc, et, bientôt, toujours émerveillés, ils parvinrent tous les cinq près de la lumière dégagée par l'arbre dont nous avons parlé, et qui était d'une sainteté incomparable.

Mais il est temps, chers, dignes lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à l'aventure qui advint dans le pays de l'arbre saint.


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