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Saint Louis le roi et la mission du génie Solcum

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000000.jpgDans le dernier épisode de cette saga intense, nous avons laissé le roi saint Louis alors qu'en compagnie d'Imbert de Beaujeu et d'Alphonse de Poitiers il se dirigeait vers un jardin royal où il soupçonnait que son frère Robert avait été emmené par une enchanteresse afin de lui faire subir des atrocités. On venait de lui dire que ce jardin était d'une beauté éblouissante, qui pouvait faire perdre la tête aux mortels les plus rassis.

Et sur le chemin, ayant entendu le récit et l'avertissement qu'il contenait, les trois hommes mortels étaient partagés entre l'inquiétude de choir dans les filets de ces beautés dangereuses, et le désir de les découvrir d'eux-mêmes, parce que nul n'avait jamais visité de jardin plus joli, à ce qu'il semblait lorsqu'ils entendaient Solcum et Ostön en parler. Ils étaient aussi partagés, comme de juste, entre l'espoir – nourri par Solcum – de retrouver vivant et en bonne santé leur auguste parent, et la crainte – nourrie par Ostön, plus pessimiste que Solcum – que Robert n'eût eu le sang entièrement bu par la démone aux traits fallacieux, et ne fût plus dès à présent qu'un corps exsangue, dont la vie s'en fût allée. Ils ne laissèrent pas de se représenter à haute voix Robert saisi à la gorge par les longues canines de la fée vorace aux yeux rouges, et son sang couler dans sa bouche impure.

Et lorsque ces paroles leur parvinrent, Solcum et Ostön ne purent faire qu'ils ne sourissent, et même ne fissent entendre un petit rire. Car, en vérité, ce n'est pas ainsi que réellement les choses se passent, dans ce genre d'affaires, et la naïveté des trois hommes mortels ne pouvait pas ne pas amuser les deux génies subtils, qui savaient ce qu'il en était.

Solcum dit alors à Louis qu'il n'avait pas à s'inquiéter, que même si Silasán avait mal fait – même si elle avait commis un crime –, il ne devait pas imaginer une telle chose, laquelle n'était certainement pas advenue, car ce n'était pas là sa manière de faire. Elle était bien plus subtile, d'une façon que les hommes mortels ne pouvaient que difficilement saisir. Aussi n'essaierait-il pas pour le moment de l'expliquer, puisque le temps pressait.

Louis acquiesça encore, mais ne fut pas davantage rassuré, car la manière de faire exacte lui importait peu, seule comptait pour lui la vie de son frère bien-aimé, et il se demandait si Solcum n'était pas fou, ou orgueilleux à la 000.jpgfaçon des elfes noirs, comme les prêtres romains disaient effectivement qu'étaient tous les elfes – même si Louis avait cru découvrir qu'ils ne disaient pas vrai, et que leur sentiment était trop raide, et absolu. Mais n'avait-il pas pu être induit en erreur par l'amour que lui vouaient apparemment ces gens, et s'être laissé séduit par de véritables démons déguisés en gens honnêtes?

Il eut l'idée de s'assurer de la bonne foi de Solcum, et lui demanda s'il ne manquerait pas rapidement à son oncle Ëtön, durant le Conseil des Sages. Solcum le regarda d'un air soupçonneux, percevant le doute de Louis et sa mise à l'épreuve, et il prit même un air ennuyé. N'avait-il pas beaucoup donné de sa personne, pour garantir à Louis le salut, et ne devait-il pas susciter en lui, ainsi, de la gratitude? Mais il comprit son inquiétude, et répondit en conservant dans sa voix sa bienveillance ordinaire, montrant en elle sa patience et son amour pour les hommes, en disant qu'il ne manquerait pas, non, à son oncle, à l'oreille duquel il ne faisait que résumer les paroles des orateurs, au cas où il aurait eu pendant leurs interventions ce qu'on nomme une absence.

En général, il n'en avait pas, et Solcum ne manquait jamais d'être surpris par l'acuité de l'esprit d'Ëtön, à l'attention duquel rien n'échappait – car, même, il se souvenait souvent de détails qu'il avait, lui, oubliés. Il arrivait bien que son âme vaguât, sans doute, mais à sa gauche (puisque Solcum s'asseyait d'ordinaire à sa droite) se tenait constamment un de ses plus fidèles conseillers, son cousin Solïn, de la maison d'Asdel, plus âgé que lui de quelques années – mais l'esprit toujours vif, et lui aussi l'aidait constamment dans les débats en cours. Solcum lui servait surtout d'appui parce qu'il était jeune et vigoureux, mais Ëtön le restait plus qu'il ne le laissait paraître, et il saurait, il n'en doutait pas, se passer de lui.

D'ailleurs le sort de Robert d'Artois était trop important pour qu'il ne s'engageât pas à le retrouver en personne, et si le roi entendait par sa remarque vérifier qu'il se sentait bien impliqué dans son sort et celui de ses compagnons 0000000000000000.jpg– qu'il ne doutât plus, car il était zélé à le servir, et le regardait bien comme le véritable roi de France: il n'entendait pas affaiblir son sceptre et ternir sa couronne, mais au contraire en renforcer le pouvoir et l'éclat. Rien de ce qu'il faisait pour et avec lui n'était un piège, mais était destiné à assurer une continuité entre le royaume d'Ëtön et cette France des hommes mortels.

Car il devait venir un temps, tout proche, où une partie importante du premier reviendrait à la seconde, et où la terre des génies s'effondrerait par plaques éparses. Or, cet effondrement devait les placer dans l'orbe de la Terre périssable, et il fallait, pour que le bien qui y logeait y subsistât, qu'un roi juste comme saint Louis le maintînt sous sa coupe.

C'était le vrai but (il fallait qu'il le lui dise) de l'accueil reçu par Louis auprès d'Ëtön, et de sa mission propre à lui, Solcum, car il avait été choisi pour garder la France et sa maison régnante depuis le monde des génies – et il avait accepté cette mission, car réellement il aimait Louis et son pays, sa maison et son domaine, et leur voulait tout le bien qu'on pût concevoir.

Louis fut ému en son cœur, en oyant ces paroles, mais il ne dit rien, et continua à marcher – et bientôt du reste ils arrivèrent à la porte du palais donnant sur le jardin enchanté. Elle était rouge, et avait un loquet de cuivre, et sans qu'il sût dire pourquoi Louis la trouvait curieuse. Une impression étrange se dégageait d'elle et de sa teinte, et quand Ostön abaissa le loquet et commença à ouvrir la porte, il s'attendait à être surpris, et il ne put s'empêcher de porter la main à son épée.

Mais il est temps, chers lecteurs, de laisser là cet épisode, pour renvoyer au prochain, quant à la suite de cette formidable aventure.


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