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Clik here to view.Dans le dernier épisode de ce feuilleton sidéral, nous avons laissé saint Louis et ses quatre compagnons restants alors que, enchaînés par des chevaliers-fées mauvais, ils étaient acheminés vers la forteresse d'Ornicalc leur ennemi. Louis venait de découvrir que le chef de ces chevaliers, Etacalün, était cousin germain de Solcum, qui les avait guidés avant de sombrer dans l'inconscience blessé par le venin d'un monstre. Et il avait vu son regard brillant mais froid, respirant la haine et l'orgueil - le mépris de tous ceux qui n'étaient point de sa lignée.
Le désespoir lui entra dans l'âme, et il en fut de même pour ses compagnons. Tous pensaient à Simon de Nesle et à Solcum, et ils songeaient que leur quête s'achevait rapidement, et dans une grande tristesse. Mais ils étaient résolus à mourir vaillamment, dût-on durement les torturer.
Ils cheminèrent toute la journée, et le soir vint. Ils furent liés à un arbre noir qui se dressait dans la lande triste, grise, qu'ils avaient longuement parcourue, et les chevaliers-fées se reposèrent en attendant le jour et en gardant tour à tour les abords de leur camp.
Le lendemain matin, ils repartirent. Vers midi, ils arrivèrent en vue d'une montagne, sur laquelle se dressait une immense forteresse. C'était le château d'Ornicalc, leur déclara Etalacün: la terrible forteresse de Paliúdh. Louis demanda pourquoi elle se nommait ainsi. Etalacün mit un certain temps à répondre. Finalement, il dit:
Il y avait là un géant, autrefois, qui fut tué par Ëtön et Ëtöl, et qui avait une forme hideuse. Dans son cadavre rigidifié Ornicalc bâtit un château. Il rendait ainsi hommage à un être valeureux, qu'Ëtön et Ëtöl tuèrent Image may be NSFW.
Clik here to view.inconsidérément, poussés par l'ardeur et les tromperies d'Alar et de Vurnarïm. Car il régnait sur cette partie de la Terre et y faisait fructifier la science, et il livrait des secrets puissants aux hommes, et en savait assez pour que ceux-ci pussent refaire le monde et en créer un qui fût nouveau, et parfait, pareil à celui des étoiles! Par jalousie Alar ne voulut point le laisser faire, et stupidement Vurnarïm le suivit parce qu'Alar le lui avait demandé. Il n'a pas la sagesse qu'on prétend, je t'assure!
Déjà Paliúdh avait créé une cité florissante, puissante, dont les hautes tours touchait aux astres: d'elles s'élevaient dans les airs des nefs glorieuses, traits de feu dans le ciel, et elles gagnaient par l'art de Paliúdh les profondeurs cosmiques, et y emmenaient les élus, les hommes qu'il avait choisis pour servir de pionniers et conquérir le monde. Son but était, en dernière instance, de faire devenir pareille aux dieux toute la gent de Lënipeln!
Mais Alar, sans même en référer à Dordïn son père, détruisit cette cité, et arma mes oncles pour qu'ils abattent son prince. Ornicalc, avec mon aide, est en train de rebâtir cette cité, puisant sa science aux livres perdus de Paliúdh dont il rassemble peu à peu les pages dispersées. Et il projette de faire de moi le seigneur prochain de Paliúdh, le digne successeur du géant, quand lui-même aura acquis assez de puissance pour conquérir Lënipeln!
- C'est là œuvre de Satan, dit Louis.
- Tais-toi. Tu n'y entends rien. Tu ne sais que baver des injures.
Telles furent les paroles de l'odieux Etalacün.
Ils s'approchèrent, et Louis vit une forteresse aussi épouvantable et étonnante qu'elle lui avait paru de loin; et même davantage, car sa taille lui avait fait croire qu'elle était proche: mais elle était loin, et plus grande encore qu'il ne s'en était rendu compte.
Les autres mortels, bouche bée, la regardaient, et dans leurs yeux se lisaient à la fois l'émerveillement et l'effroi.
Des éclairs partaient sans cesse de la cime de cet immense palais, fine et longue aiguille se dressant sur son dôme. Des nefs volantes glissaient au-dessus de cette demeure, et, dans les airs supérieurs, les cinq hommes crurent même voir des êtres munis d'ailes circuler, éclairant les nuées d'étranges torches qu'ils avaient à la queue, et faisant briller une clarté Image may be NSFW.
Clik here to view.qui rendait sombre le ciel. On ne voyait point les étoiles, elles qui en Lënipeln paraissaient si proches, mais des reflets de la lumière envoyée par les créatures ailées et les navires de l'air, et dont les rayons semblaient vite arrêtés par des vapeurs épaisses, quasi semblables à des fumées. Une méphitique odeur emplissait l'air.
Le bâtiment de la forteresse était lui-même assez semblable à une montagne, mais ses tours étaient placées en ordre régulier sur ses créneaux, et on y voyait des fenêtres éclairées, rougeoyantes ou dorées. Des bannières claquaient au vent, et des flammes jaillissaient des pieds de la forteresse, comme si des fours la sous-tendaient, et que des soupiraux laissassent fuir des gerbes de feu. On entendait de vagues gémissements, venant des profondeurs, mais aussi des cris de joie, venant des hauteurs, et une musique sauvage résonnait aussi, semblant venir de certaines fenêtres. Mais plusieurs airs étaient joués en même temps, de façon désordonnée, et la cacophonie en était énorme. Chaque air, en lui-même, eût pu être beau; mais l'ensemble, dénué d'harmonie, était hideux.
À vrai dire la forteresse n'était pas achevée, et cela ajoutait à son air de montagne naturelle. Le flanc gauche était encore en construction. On voyait des échafaudages, et des hommes nus, et des femmes, des enfants, y travailler, enchaînés. Des êtres hideux, noirs et aux oreilles longues et pointues, aux yeux rouges comme la braise, les surveillaient et les fouettaient.
C'est sur ce tableau terrible, ô lecteur, que nous devons laisser cet épisode. La prochaine fois, nous découvrirons le visage d'Ornicalc, s'il en a un.