
Laissant leurs chevaux derrière eux, ils furent guidés par un homme au teint resplendissant et à l’armure brillante jusqu’à la porte somptueuse de la grand-salle de l’édifice, au sommet de quelques marches pareilles à du marbre. Les gardes placés devant s’écartèrent, et la porte, semblable à de l’or, s’ouvrit, bien qu’on ne vît personne qui poussât les battants.
Une grande clarté vint de l’intérieur; les sept valeureux mortels reculèrent légèrement, surpris, et mirent le main devant les yeux. Mais bientôt une voix les invita à entrer, et elle était bienveillante, douce. La clarté s’atténua, et ils y distinguèrent des formes aux couleurs flamboyantes. Moins saisis par la peur, ils s’avancèrent, et marchèrent. Des colonnes torsadées soutenaient la toiture, et le long des murs des tapisseries étincelantes figuraient des scènes fabuleuses, qu’ils avaient du mal à reconnaître: d'anciens dieux semblaient être représentés. Leurs yeux luisaient, et paraissaient les suivre. Mille autres merveilles pouvaient être vues autour d’eux, mais ils étaient si éblouis qu’ils ne parvenaient pas à s’en faire une
idée claire: pour eux, tout était lumière, et il leur semblait qu’ils étaient dans un rêve. Ils voyaient avant tout le roi, assis sur un fauteuils doré, orné de gemmes, qui les fixait de son œil éclatant, traversé de feux d’astre. Il ne souriait pas; il gardait un air sévère. Mais ils ne sentaient pas en lui d’agressivité, de violence.

À sa droite, une femme très belle, silencieuse, se tenait sur un autre fauteuil, mais qui était d’argent; les gemmes en étaient plus froides, quoique également lumineuses: il s’agissait d’améthystes, de saphirs, d’émeraudes - quand le roi avait autour de lui des rubis, des béryls jaunes, des diamants. À la gauche de celui-ci, debout, était un homme aux yeux également scintillants, qui paraissait sage; son regard scrutait plus en profondeur les sept hommes périssables que celui de son maître, comme s’il avait perçu directement leur âme: des flèches semblaient en jaillir, dont les chevaliers se sentaient percés. Dans le regard du prince, ils distinguaient plutôt des splendeurs insondables, comme s’ils avaient reflété des lointains cosmiques et divins, comme si des anges majestueux y avaient dansé.
Roi, voici les fameux sept mortels, dit l’homme qui les avait amenés jusque-là. - Sois remercié de ton zèle, fit alors l’auguste homme assis sur le fauteuil, et dont le front était ceint d’une couronne; oui, Solcum, noble et sage capitaine, tu es fiable comme personne ne l’est, et ta droiture, je le crains, fera toujours peser sur toi mille tâches ingrates et difficiles: car tu te rends sur la terre des mortels à la demande, alors que l’air en est infesté d’ombres maléfiques, libérées par les péchés des hommes, et que personne, de ce royaume dont je suis la lumière, ne peut aimer séjourner dans l’autre - que dirige l’ennemi même du cosmos.
Un jour, hélas, je le crains, ta fidélité te placera dans ce monde infâme de façon durable, en te liant à des mortels valeureux qui voudront faire le bien sans en avoir la force, et en te donnant la tâche de les dédoubler, d’accomplir leurs désirs saints, et de leur donner ainsi l’apparence de surhommes: tels seront-ils
aux yeux de leurs semblables - qui seront rares à déceler, dans ce miracle, la main des demi-dieux que nous sommes, des génies enchantés dont nous constituons le peuple! Souvent, ingrats, ils auront la folie de croire que ces pouvoirs leur seront venus d’eux-mêmes - de leur intelligence propre, de leur dérisoire science! Hélas! hélas! et toi, pendant ce temps, tu seras exilé dans l’ombre, sur Terre, invisible à leurs yeux, déchirant le cœur des tiens restés dans ce monde fabuleux, et qui te verront œuvrer pour ces malheureux, donner ta vie pour eux - et cela, sans jamais recevoir aucun remerciement de leur part!

À chaque sang que tu perdras pour leur liberté, tes amis, restés parmi nous, verseront une larme, et sentiront leur cœur se serrer. En particulier ma nièce Édolis, tu le sais bien, en subira de douloureuses peines - même si elle n’en montrera rien, pour la dignité du royaume.
Ô Solcum, toi qui un jour seras parmi les clairvoyants d’entre les mortels nommé le Génie d’or - toi qu’ils représenteront avec ton étoile au front et tes ailes au dos, et qu’ils placeront sur une colonne qui touchera aux nuages, ravissant nos yeux de leurs œuvres naïves mais belles, - toi qu’ils appelleront leur génie de la liberté -, sache-le, nous te bénissons, et nous bénissons d’avance les larmes que tu verseras également en silence lorsque, combattant les monstres de l’abîme pour te placer au service des hommes - affrontant les créatures immondes qui voudront les détourner de leur destinée, telle que l’ont établie les dieux -, tu souffriras de ta solitude, de ton éloignement, vivant ce sacrifice.
Le roi alors se tourna alors vers saint Louis pour s’adresser à lui; mais ce qu’il lui dit ne sera révélé qu’une fois prochaine.